Penser la propriété

La question de la propriété, si importante, n'a pas manqué de mobiliser les plus grands penseurs de tous les temps. Voici un panorama de leurs principales réflexions, panorama qui doit beaucoup au petit "Que sais-je" (PUF, 1948) n° 36 Histoire de la propriété, dû à Félicien Challaye.

Sauf guillemets, ces textes ne sont pas des citations.

Platon
(427-348 AC)

Platon, après avoir prôné dans "La République" la communauté des biens, des femmes et des enfants, en revient dans "Les Lois" à la propriété individuelle, dans certaines limites.

Aristote
(384-322 AC)

Pour Aristote, la propriété individuelle, surtout immobilière, est le seul stimulant efficace du travail créateur. L'esclave aussi est une propriété, ... la plus nécessaire.

 

Les premiers chrétiens
Tertullien
(160-240)
Exalte la propriété commune des chrétiens au sein de communautés où l'on se répartirait les produits du travail.
Saint-Ambroise
(340-397)
La nature conduit à la propriété commune. La violence, à la propriété individuelle.

 

L'Eglise évolue, s'intègre au système féodal
Saint Augustin
(354-430)
Nuance les idées de Saint-Ambroise: seul Dieu est propriétaire, mais il peut déléguer la propriété à l'homme, à condition que celui-ci n'en abuse pas.
Saint-Thomas
d'Aquin

(1228-1274)
Confiées par Dieu aux individus, les richesses sont plus productives. Mais le riche a le devoir de partager avec autrui le profit qu'il en tire.

 

Thomas More
(1480-1535)

Imagine l'Ile d'Utopie, où le partage égal des biens donne à chacun l'abondance.
John Locke
(1632-1704) (
La seule justification de la propriété est le travail. Les terres laissées en friche doivent changer de propriétaire.

 

Colbert
(1619-1683)

Les mercantilistes considèrent que l'or et l'argent sont les vraies richesses. Un pays se doit de les conserver, grâce à une balance commerciale positive.
F. Quesnay
(1694-1774)
Les physiocrates voient dans la terre l'unique source de richesse et dans l'agriculture le seul travail productif. Mais ils acceptent le principe de la rente du propriétaire.

 

Montesquieu
(1685-1755)
La propriété doit venir de l'autorité publique, mais les lois ne doivent pas trop limiter le droit de propriété. Et l'Etat, en tant que propriétaire, doit aussi respecter les lois.
Bentham
(1748-1832)
La propriété résulte uniquement des lois.

 

Rousseau (1712-1778)
La propriété n'est pas un droit naturel. Mais, en entrant en société, l'homme reçoit de l'Etat certaines libertés civiles, dont des droits de propriété, qui doivent être enfermés dans d'étroites limites.
Robespierre
(1758-1794)
La propriété est accordée aux individus dans la limite des besoins de tous. Ce qui est indispensable à la survie doit être propriété collective.

 

Fichte
(1762-1814)
L'Etat, au nom de la société des hommes, doit garantir à chacun une certaine propriété, nécessaire à sa liberté.
Saint-Simon
(1760-1825)
La propriété doit être répartie de telle sorte qu'elle stimule les possédants à produire. Il faut donc imposer lourdement l'héritage.

 

Proudhon
(1809-1865)
Ni l'occupation, ni le travail, ni la liberté, ni l'intérêt ne justifient la propriété ("la propriété c'est le vol"), sauf celle du petit paysan exploitant son sol.
Lassalle
(1825-1864)
La forme de la porpriété dépend des lieux et des époques, et est décrite dans des lois qui ne peuvent évoluer que par la force. Ainsi, il faudrait bannir le système où les propriétaires mobilisent les profits du travail de tous.

 

Marx
(1818-1883)
En trimphant de la bourgeoisie, le prolétariat établira le communisme, par lequel la propriété des moyens de production passera à la collectivité.
Thiers
(1797-1877)
Thiers défend la propriété qui résulte du travail.

 

Bastiat
(1801-1850)
(En tant que propriétaire) votre intérêt personnel même a été l'instrument d'une Providence infiniment prévoyante et sage.
George
(1839-1897)
Capital et travail sont solidaires. Le mal vient seulement de la propriété du sol. Le sol doit être nationalisé.

 

Leroy-Beaulieu
(1843-1916)
Si l'histoire a établi la propriété sous sa forme actuelle, c'est qu'elle correspond à un profond instinct humain. La propriété se fonde sur le travail et l'épargne et doit pouvoir se transmettre par l'héritage, socialement utile. Les inégalités résultent des différences de mérite.
Comte
(1798-1857)
Comte repousse à la fois les excès des propriétaires et les utopies des communistes. La propriété individuelle doit être maintenue, mais il faut la pratiquer comme une fonction sociale.

 

Les "chrétiens sociaux"
La Tour du Pin
(1834-1914)
Le droit de propriété résulte du droit naturel, mais le propriétaire a le devoir d'aider ceux qui ne possèdent pas.
Mounier
(1905-1950)
La propriété a une double fonction: individuelle et sociale (personnelle et communautaire).

 

Une particularité de l'histoire:
le national-socialisme (Allemagne, 1934-1945)

La vraie richesse d'un pays consiste dans les biens réels (terres, bâtiments, machines, produits fabriqués, ...) qui accroissent les forces du peuple allemand grâce au travail. La monnaie n'est qu'un moyen d'échange sans valeur propre.

Nous tentons ICI de dégager les grandes lignes de ce panorama.