Comprendre
Comprendre, est-ce davantage que connaître? Une
question de mots, sans doute, à laquelle chacun peut apporter
sa réponse personnelle.
Si l'on prend "connaissance"
dans son acception la plus large, on peut considérer
la compréhension comme une modalité particulièrement
riche - la plus riche peut-être - de la connaissance.
Un objectif moins égocentrique
A l'origine du désir de connaître, nous avons décelé
le besoin d'être informés sur ce qui nous entoure,
besoin né des exigences de la survie. Besoin clairement centré
sur notre personne: la connaissance égoïste ne se préoccupe
en principe que des informations utiles au "sujet
connaissant".
La compréhension n'est pas un besoin égoïste.
Elle cherche à connaître un objet (matériel,
intellectuel, spirituel, ...) pour lui-même et en lui-même,
y compris dans les aspects qui sont sans conséquences pour
le sujet connaissant. Elle suppose donc une certaine dose d'empathie,
la volonté de connaître en quelque sorte l'objet par
l'intérieur.
On peut soutenir que la compréhension, cette connaissance
altruiste, est la conséquence du besoin de connaissance égoïste.
Car, d'une compréhension approfondie, en principe désintéressée,
pourra toujours résulter, à court ou moyen terme,
la connaissance d'éléments imprévus, éminemment
utiles.
D'ailleurs, la quête d'informations utilitaires finit souvent
par déboucher sur des points d'interrogation, ce qui pousse
dans le long terme à une compréhension plus approfondie.
C'est ce qui advient fréquemment dans les rapports entre
la recherche scientifique
fondamentale et la recherche appliquée.
La connaissance des intentions
Lorsque l'objet de notre connaissance est humain, une démarche
de compréhension ne pourra se désintéresser
de ses intentions. On se réfère souvent, à
ce sujet, à la différence entre comprendre et juger.
Juger, c'est situer par rapport à des valeurs préétalies;
c'est se désintéresser des intentions, c'est souvent
se dispenser de comprendre, surtout s'il s'agit de jugements hâtifs,
à l'emporte-pièce.
Une connaissance plus complète
De par son large objectif, la compréhension aboutit assez
naturellement à une connaissance elle aussi plus large, plus
complète, plus complexe.
Elle prend mieux en compte les relations causales,
les contradictions internes.
Elle est ennemie des réductions.
Comme l'explique fort bien Edgar Morin (Les sept savoirs nécessaires
à l'éducation du futur, Seuil, 2000, pages 109-114),
elle implique ouverture à autrui, tolérance, et une
certaine dose d'introspection critique.
Comprendre ne sollicite pas la seule raison:
comprendre sollicite l'intelligence
dans toutes ses dimensions.
Jouissance
Si la connaissance répond
à un besoin fondamental de l'être vivant, magnifié
par l'homme (voir ICI),
l'acquisition d'une connaissance peut provoquer une réelle
jouissance.
La lecture d'un roman policier peut
être considérée comme la reproduction
volontaire d'une telle jouissance: se plonger dans un mystère
et aboutir par étapes à son explication (limitée,
il est vrai, à la révélation du coupable
et de son procédé).
A l'inverse, on peut aussi aimer
se faire peur; être séduit par l'attrait du mystère:
"je préfère épaissir le mystère
que répondre aux questions". |
Expliquer
Comprendre est un acte global, synthétique,
relativement instantané ("j'ai compris!").
Comprendre peut être le résultat d'une explication
qui, elle, se déroule dans le temps et procède
par analyse.
Les deux peuvent s'opposer: que de choses j'aurais comprises
si on ne me les avait pas expliquées, déclara
un certain Stanislaw Lec. |
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