L'atome quantique
Dans la foulée de Thomson, de
Rutherford, de Bohr
et de leurs collègues, nous voici dotés, vers 1915,
d'un atome constitué d'un noyau positif, lui-même formé
de protons et de neutrons,
autour duquel gravitent des électrons,
qui ne peuvent évoluer que sur certaines orbites
bien définies. En sautant d'une orbite à l'autre,
les électrons émettent ou absorbent de l'énergie
sous frome lumineuse (raies d'émission
ou d'absorption).
Tout cela est dûment mesuré et quantifié, et
même relié à la mécanique
quantique, en plein développement.
Aujourd'hui encore, la mécanique quantique reste très
obscure pour le grand public. En cause: elle s'occupe de réalités
étrangères à nos sens, qu'elle ne peut exprimer
que par un formalisme mathématique fort abstrait.
On peut parfois tenter des représentations simplifiées,
mais elles sont le plus souvent insatisfaisantes. En ce qui concerne
l'atome, tentons d'exposer deux apports importants de la mécanique
quantique.
Localisation de l'électron: les nombres quantiques
Où se trouve tel électron de tel atome? Pour répondre
à cette question, il n'est plus possible de pointer son doigt,
ni de faire appel à des mesures géométriques.
Il faut se référer à l'état quantique
de cet électron, et l'état quantique est défini
par quatre nombres quantiques: la couche, la sous-couche,
l'orientation orbitale et le spin.
Le nombre quantique principal (symbolisé par la
lettre n) donne le numéro de la couche: 1,2,3,...,
chaque couche correspondant à un niveau d'énergie
(voir le modèle de Bohr).
Le nombre quantique secondaire (symbolisé par la
lettre l) définit la sous-couche. Chaque couche
n peut avoir n sous-couches, numérotées (l=) 0 à
n-1. Les quatre premières sous-couches sont désignées
par les lettres s,p,d,f.
Le nombre quantique magnétique (symbolisé
par m) définit l'orientation de l'orbite. Dans une
sous-couche l, il peut exister (2l+1) nombres quantiques différents,
nombres entiers allant de -l à +l.
Le spin (s) peut être considéré
comme désignant le sens de rotation de l'électron
sur lui-même. Ses seules valeurs possibles sont -1/2 et +1/2.
En 1923, le physicien suisse Wolfgang Pauli
découvre quel principe très simple appliquer à
ces quatre nombres pour ordonner l'architecture des électrons
dans l'atome:
dans un atome, il ne peut y avoir
qu'un seul électron dans un état quantique
(= quatre nombres) donné.
C'est le principe d'exclusion de Pauli, qui peut
être mis en formule: une sous-couche n° l peut contenir
au maximum
2 x (2 l + 1) électrons
|
Application
Dans la couche 3 (n=3), il y a ainsi trois sous-couches, numérotées
l=0,1,2.
Dans la première sous-couche (l=0), les électrons
ne peuvent avoir que le nombre quantique magnétique m=0.
On peut donc y trouver deux électrons, de
spins s = -1/2 ou +1/2.
Dans la seconde sous-couche (l=1), les électrons peuvent
avoir des nombres quantiques magnétiques de -1, 0 ou +1 et
des spins de -1/2 ou +1/2. La sous-couche peut donc contenir six
électrons.
Dans la troisième sous-couche (l=2), les électrons
peuvent avoir des nombres quantiques magnétiques de -2, -1,
0, 1 ou 2 et des spins de -1/2 ou +1/2. La sous-couche peut
donc contenir dix électrons.
Au total, la couche 3 peut donc contenir 2 + 6 + 10 = 18
électrons.
Le tableau périodique s'éclaire
Etendons l'application ci-dessus aux couches n = 1 à 7.
Voici les nombres d'électrons par couche et sous-couche.
Nombres d'électrons par couche et sous-couche |
Couche
(n = ) |
Sous-couches |
Total pour la couche |
s
(l=0) |
p
(l=1) |
d
(l=2) |
f
(l=3) |
l=4 |
l=5 |
l=6 |
1 |
2 |
|
|
|
|
|
|
2 |
2 |
2 |
6 |
|
|
|
|
|
8 |
3 |
2 |
6 |
10 |
|
|
|
|
18 |
4 |
2 |
6 |
10 |
14 |
|
|
|
32 |
5 |
2 |
6 |
10 |
14 |
18 |
|
|
32 |
6 |
2 |
6 |
10 |
14 |
18 |
22 |
|
18 |
7 |
2 |
6 |
10 |
14 |
18 |
22 |
26 |
8 |
(en gras, les couches et sous-couches effectivement observées
dans les éléments réels)
Qu'observons-nous? Il y a une certaine périodicité,
mais, sauf pour les deux premières lignes, elle ne correspond
pas à celle du tableau périodique
des éléments.
Pour établir cette correspondance, il faut, comme Mendeleïev,
observer les atomes dans l'ordre de leurs poids atomiques croissants.
Les choses se compliquent alors un peu, mais le tableau ci-dessous
permet d'y voir plus clair.
Ce tableau, grâce aux gradations de couleurs, permet de comprendre
que, au fur et à mesure de l'augmentation des poids atomiques,
les couches et sous-couches ne se mettent pas en place dans l'ordre
naturel:
Comment se remplissent les couches
et sous-couches
lorsque progressent les poids atomiques (entre parenthèses)
|
Couche
(n = ) |
Sous-couches |
Total pour la couche |
s
(l=0) |
p
(l=1) |
d
(l=2) |
f
(l=3) |
1 |
2
(1-2)
|
|
|
|
2 |
2 |
2
(3-4) |
6
(5-10) |
|
|
8 |
3 |
2
(11-12) |
6
(13-18) |
10
(19-28) |
|
18 |
4 |
2
(29-30) |
6
(31-36) |
10*
(39-48) |
14
(57-70) |
32 |
5 |
2*
(37-38) |
6
(49-54)
|
10
(71-80) |
14*
(89-102) |
32 |
6 |
2
(55-56) |
6
(81-86) |
10
(103-112) |
|
18 |
7 |
2*
(87-88) |
6
(113-118) |
|
|
8 |
(Les étoiles signalent l'existence d'éléments
individuels pour lesquels la progression des sous-couches est légèrement
différente de celle indiquée)
Exemple de lecture de ce tableau:
Le groupe 5 (ici couleurs jaunes) du tableau périodique
des éléments voit d'abord se remplir la sous-couche
s de la couche 5 (poids atomiques 37 et 38, ce sont le Rubidium
et le Strontium), ensuite la sous-couche d de la couche 4 (10 éléments),
puis la sous-couche p de la couche 5 (6 éléments,
ce sont l'Indium, l'Etain, l'Antimoine, le Tellure, l'Iode et le
Xenon).
Pourquoi insister sur ces détails? Parce que
ce tableau montre que, lorsque l'on va vers des éléments
(atomes) de poids atomiques croissants, la première couche
d'un groupe à se remplir est la sous-couche s (2 éléments),
et la dernière à se remplir est la sous-couche p (6
éléments). Les autres sous-couches prennent progressivement
du retard.
la couche
externe d'un atome est donc toujours formée des sous-couches
s et p
(2 + 6 = 8 éléments),
sauf les deux premiers éléments,
H et He, qui n'ont pas de couche p
ce qui explique la structure du tableau
périodique des éléments (en cliquant sur
ce dernier lien, on accède à un tableau à partir
duquel on peut trouver de nombreuses propriétés de
chaque élément, et notamment leur configuration électronique).
En achevant la présentation
du tableau périodique des éléments, nous
montrions que ceci n'est pas un pur jeu de l'esprit, mais détermine
les propriétés chimiques concrètes des éléments.
Et ceci nous renvoie à l'ensemble de la chimie.
En mettant à jour l'architecture de
l'atome, les physiciens ont expliqué la chimie, et lui ont
ouvert d'énormes perspectives de progrès.
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