Les marchés en jugement (1)
Il n'est pas rare d'entendre accuser "les marchés"
de tous les maux de l'économie. Les marchés sont le
pilier de l'économie libérale,
et celle-ci, elle aussi, est l'objet de nombreuses critiques.
Mais quoi d'autre?
Pourtant, ils semblent bien répondre à un indéniable
besoin: celui de faciliter les échanges entre vendeurs et
acheteurs. Les marchés sont avant tout une étiquette
que l'on appose sur une réalité: l'ensemble des échanges
économiques.
Lorsqu'on les organise quelque peu, c'est pour que ce besoin soit
rempli avec plus de transparence et d'efficacité. Par quoi
pourrait-on remplacer les marchés? La seule alternative essayée
jusqu'ici fut de charger une autorité centrale de fixer les
quantités à produire et à consommer, ainsi
que les prix auxquels doivent s'échanger les biens et services.
Ce système a été testé, dans le cadre
du communisme. Il s'est
montré incapable de répondre correctement à
l'offre et à la demande
des agents économiques.
Les marchés paraissent donc nécessaires, osons même
affirmer qu'ils le sont. Sont-ils parfaits pour autant?
Le marché parfait: un but, une utopie. La régulation
Le marché parfait est une sorte d'outil théorique
facilitant la réflexion des économistes. Il constitue
aussi un idéal que l'on s'efforce d'atteindre:
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un marché où l'information sur les
quantités, les qualités et les prix serait claire
et totale; |
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un marché où la concurrence
serait parfaite, elle aussi; |
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un marché où les comportements
des acheteurs et vendeurs pourrait s'exercer de façon
totalement rationnelle. |
Cet idéal, on ne peut que s'efforcer d'en approcher, en
fixant aux marchés certaines règles de fonctionnement:
c'est la régulation
des marchés. La régulation: un objet permanent de
débat, car il est difficile d'éviter à la fois
deux écueils:
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soit, par un défaut
de régulation, favoriser les lacunes d'information
et de concurrence; |
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soit, par excès de régulation,
introduire des rigidités qui empêchent les marchés
de remplir leurs fonctions essentielles. |
Les rapports de force
Dans un marché libre, il est difficile d'éviter les
rapports de force. Les concurrents ne sont jamais en totale égalité.
Le plus puissant sera forcément mieux informé, moins
menacé par les aléas, mieux en mesure de défendre
ses intérêts.
Mais il importe au moins d'éviter deux excès majeurs:
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les situations de monopole,
où il n'y a plus, pour un produit donné, qu'un
seul vendeur, capable d'imposer son prix aux acheteurs; |
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les ententes illicites entre un petit nombre de producteurs
(on parle d'oligopole), qui se mettent d'accord pour élever
artificiellement leurs prix. |
Dans l'Union européenne, la Commission dispose, via sa Direction
générale de la concurrence (voir
ICI), du pouvoir d'éviter ces deux défauts. Ainsi,
la Commission peut:
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interdire des
absorptions de sociétés qui mettraient certaines
d'entre elles en situation de monopole; |
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émettre des conditions
(limitations) à de telles absorptions; |
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mettre à l'amende
des sociétés convaincues d'avoir conclu des
ententes illicites; |
- |
empêcher de grosses
entreprises d'imposer à de plus petites des conditions
entravant la concurrence; |
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interdire aux états
d'accorder à des entreprises des aides publiques faussant
la concurrence. |
Les rapports de force jouent également entre états:
entre grands et petits; entre développés et moins
développés. L'Organisation mondiale du commerce (OMC)
a la difficile tâche d'imposer les conditions d'une concurrence
correcte entre les pays adhérents (143 pays en 2011, voir
ICI).
Prix "naturel" et prix "de marché"
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Le mécanisme de marché
conduit régulièrement à des prix éloignés
de la valeur "réelle" des produits. Par valeur
réelle, on entend ce qu'Adam Smith, dans son livre de
1776 "La richesse des nations" (considéré
comme le premier traité de science économique)
appelait le prix "naturel": le coût de fabrication,
y compris la rémunération du capital. |
Cette différence est normale, et est d'ailleurs un des critères
d'investissement (... et de
disparition) des entreprises: lorsque le prix de marché,
résultant de l'offre et de la demande, est supérieur
au prix naturel, les entreprises engrangent des bénéfices
et augmentent leur production; dans le cas inverse, des entreprises
disparaissent et la production diminue, jusqu'à ce que la
rareté pousse à nouveau le prix de marché à
la hausse.
Sur le marché des actions,
le produit en cause est une participation à la propriété
d'une entreprise. Son prix naturel résulte de la
valeur de l'entreprise et de son aptitude à engendrer des
profits et à augmenter de valeur à l'avenir.
Son prix de marché (le cours de bourse) résulte
de l'opinion que se font les investisseurs sur son prix naturel,
mais cette opinion est fortement tributaire du contexte économique
général, et de facteurs psychologiques très
difficiles à cerner.
Externalités
Même le prix "naturel" d'un produit ne reflète
que rarement la totalité des coûts engendrés
par sa production. Un cas aujourd'hui célèbre est
le prix du pétrole.
Jusqu'il y a peu, son abondance et sa facilité d'extraction
lui valaient un prix très bas. Plusieurs générations
en ont profité pour le consommer en abondance pour le chauffage,
les transports, la production, etc.
Depuis la prise de conscience du réchauffement climatique,
il apparaît que, ce faisant, on a totalement négligé
l'énorme coût que représentait, pour la société,
l'injection dans l'atmosphère des quantités de CO2
résultant de cette consommation effrénée.
Ces coûts négligés, on les appelle les coûts
externes, et plus généralement les externalités
(car il peut aussi exister des bénéfices
externes). Voir ICI
une typologie des externalités.
Il appartient au pouvoir public de mettre en place des mécanismes
faisant apparaître ces externalités dans les prix négociés
sur le marché. Par exemples:
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il instaurera
une réglementation (p. ex. sur l'épuration des
eaux) dont le respect entraînera certains coûts
supplémentaires; |
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il créera un marché
de certicificats représentant des productions non polluantes
(ex. certificats
verts pour la production d'électricité,
voir ICI
un exemple de mécanisme), tout en imposant des quotas
de cette production; |
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il exigera que des investissements
dommageables pour l'environnement soient compensés
par d'autres qui contribuent à restaurer celui-ci ( mitigation
banking, voir ICI). |
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