La couleur et l'art

Pas étonnant

Notre cheminement dans le royaume de la couleur a comporté pas mal d'étapes, et nous laisse avec une impression d'ensemble mitigée. L'édifice, certes, est rationnel: scientifiques et praticiens de la couleur ont fini par s'entendre sur des systèmes utiles et bien pensés. Mais il est assez complexe. En outre, il est plus aisé de maîtriser et de combiner la couleur produite par les diodes monochromes de nos écrans plats que celle des pigments aux spectres d'absorption si particuliers.

Entre les sytèmes rationnels et l'impression sensible, il y a toujours ici (comme en d'autres domaines, d'ailleurs!) une distance inévitable, un décalage. Même conçus pour faciliter le travail des créateurs et leur fournir un vocabulaire commun, ces systèmes laissent d'importants espaces de doute et de liberté. C'est dans ces espaces que pourra se développer le mystère, l'émotion: ce sera la marge disponible pour l'exploitation artistique.

A cela s'ajoute (et ceci aussi est également vrai dans d'autres domaines) que les sentiments que peuvent éveiller en nous les couleurs sont modelés par notre psychologie, par la société, par nos croyances, par l'histoire. C'est ce que nous montre très bien, par exemple, le beau petit livre de Michel Pastoureau: Bleu. Histoire d'une couleur. (Seuil, 2006).

 
Il ressort de ce livre que chaque couleur, selon les époques, peut être considérée comme bénéfique, maléfique, somptueuse, vertueuse, infamante, austère, noble, liturgique, surnaturelle, .... Tout cela, en relation avec les contraintes propres à son approvisionnement et à sa fabrication.

Art et raison: Goethe

Goethe (1749 - 1832) s'inscrivait dans le puissant courant du romantisme, réagissant contre le rationalisme du XVIIIème siècle. Il se méfiait des mathématiques et des laboratoires, et prônait une science toute entière issue de l'intuition directe procurée par les sens.

A côté de son immense oeuvre littéraire, Goethe a produit de nombreux travaux sur les plantes et sur la lumière. Il a sans doute eu le tort de s'opposer à la démarche scientifique au point d'en nier des résultats évidents, suscitant des querelles un peu dérisoires. Mais la profondeur du regard qu'il a porté sur les choses et les êtres lui vaut, encore aujourd'hui, d'être d'un grand secours pour les artistes.

Après avoir construit un cercle chromatique à six couleurs, il en vint à tout organiser autour de deux couleurs, qu'il opposait en leur attribuant des valeurs sensuelles et quasi morales: le jaune (positif, clair, dynamique) et le bleu (sombre, faible, passif).

 

Pour un résumé de la démarche de Goethe en matière de couleur, voir ICI.

A lire: Goethe, Traité des couleurs, éd. Triades 1996.

Chevreul. Les couleurs complémentaires

Fixez des yeux ce carré vert (en termes RVB, sa couleur est 10 200 86) pendant quelques secondes.

Puis, fermez les yeux. Pendant quelques secondes, vous apercevrez, en lieu et place du carré vert, un carré rose.

Quel est ce rose?

Ne serait-ce pas celui-ci?

Oui, en fait il s'agit du rose 245 55 169.

C'est la couleur complémentaire du vert initial. Deux couleurs sont dites complémentaires lorsque leur addition donne le blanc (255 255 255), ce qui est bien le cas ici. Et notre petite expérience ci-dessus montre qu'il y a une base physiologique à cette notion de complémentarité: tout se passe comme si notre système visuel appelait la complémentaire de toute couleur aperçue.

C'est pourquoi, normalement, la vision des motifs ci-dessous, juxtaposant justement les deux couleurs précédentes, doit provoquer une satisfaction visuelle, une impression de repos et d'accomplissement.

Le chimiste français Chevreul (1786 - 1889) a particulièrement étudié les couleurs complémentaires et le "contraste simultané", montrant que la vision d'un objet coloré exerce une influence sur notre perception des zones qui l'environnent. Ses travaux ont beaucoup influencé les impressionnistes et les pointillistes, comme le montre fort bien, exemples à l'appui, le site http://www.peintre-analyse.com/chevreul.htm

Un monde, un vocabulaire

Le domaine de la couleur constitue donc un monde vaste et riche.

On trouvera ICI quelques éléments du vocabulaire qui la concerne. Mais la contemplation de la nature et des oeuvres, ainsi que la lecture de ce qui s'écrit à leur sujet, permettront de l'enrichir à l'infini.