L'oeil et les mélanges de couleurs

En physique, pas de mélanges de couleurs!

On pourrait imaginer que deux rayons de couleurs (de longueurs d'onde) différentes se combinent pour former un rayon d'une troisième. Une troisième dont la longueur d'onde serait par exemple la moyenne des deux premières, ou leur moyenne pondérée par l'intensité des rayons...

Non! Dans le monde de la physique, les couleurs ne se mélangent pas. Le mélange s'effectue lors de leur perception par un être vivant. Formule lapidaire: c'est dans notre oeil et notre cerveau que s'effectue le mélange des couleurs!

Mais comment, ce mélange?

Des cônes: dites-moi "longueur d'onde", je réponds "intensité"

La rétine de l'oeil est tapissée de récepteurs, de capteurs spécialisés appelés cônes. C'est par eux que s'opère la perception des couleurs.

Y a-t-il un type de cône pour chaque longueur d'onde? Non, il en faudrait beaucoup trop, une infinité même.

Alors, y a-t-il un seul type de cône, laissant le cerveau se débrouiller avec des messages du genre "moi, capteur, ai reçu une lumière de longueur d'onde 500 avec une intensité 2 et une lumière de longueur d'onde 650 avec une intensité 4 et ... etc."? Pas davantage.

Un cône est sensible à toute une gamme de longueurs d'onde, mais cette sensibilité dépend de la longueur d'onde. Et cela se traduit par une courbe de sensibilité.

Lorsqu'il reçoit un rayon de = 625, le cône envoie au cerveau le message "intensité 10". S'il reçoit = 525, il envoie "intensité = 80".

Remarque importante: nous ne nous préoccupons pas des unités dans lesquelles sont exprimées ces intensités. L'échelle est ici arbitraire. Mais il doit être clair que s'il reçoit un rayon 625 deux fois plus intense (plus fort, plus lumineux), le cône enverra au cerveau "intensité 20" (= 2 fois 10).

Objection: comment, avec ce système, le cerveau pourrait-il comprendre de quelle couleur il s'agit? Avec cette courbe en cloche, "intensité 10" pourrait tout aussi bien se rapporter à = 465 (voir figure).

Réponse: l'objection serait valable s'il n'existait qu'une sorte de cône. Mais il en existe trois sortes. L'une, plus sensible au rouge, la deuxième plus sensible au vert, la troisième plus sensible au bleu. Et chaque type de cône a sa courbe de sensibilité. Les messages des trois types arrivent séparément au cerveau.

Par exemple, pour un rayon de = 625, le cerveau reçoit un triple message:

- des cônes "rouges": intensité = 65
- des cônes "verts": intensité = 10
- des cônes "bleus": intensité = 0
en résumé: (65 - 10 - 0)

De même, pour = 500, le cerveau recevra (10 - 66 - 3)

Amplification

Jusqu'ici, nous n'avons pas pris en considération l'intensité des rayons lumineux. Or, elle joue un grand rôle: un rayon plus intense (plus fort) excitera davantage les cônes, qui dès lors enverront au cerveau un signal plus fort.
Pour représenter cela, il suffit de dessiner des courbes amplifiées, comme ci-contre.

 

Comment dès lors se mélangent les couleurs?

C'est sur la base de ce qui précède (est-ce simple? est-ce compliqué?) que le cerveau discernera pour nous la magnifique palette des couleurs visibles. A noter que la physiologie de l'oeil nous apprend que l'opération ci-dessus s'effectue séparément pour chaque zone de la rétine, de sorte que ce sont des millions de messages qui parviennent au cerveau à chaque instant.

Combinaisons de couleurs pures

(nous entendons ici par "pures" les couleurs de l'arc-en-ciel, ayant une seule longueur d'onde. On parle aussi de lumière "monochromatique").

Voyons comment se combinent sur notre rétine deux couleurs pures de longueurs d'onde 625 (à dominante rouge) et 500 (à dominante verte). Voici les réponses des cônes "rouge" et "vert" (nous négligeons les cônes "bleu", très peu concernés).

 
Réponses
cônes "rouge"
cônes "vert"
couleur 625
67
10
couleur 500
30
42
Total
97
52

Oui, les excitations des cônes, provoquées par les deux couleurs, s'additionnent, et c'est la somme qui est envoyée au cerveau: (97 - 52 - 0). Ce message, le cerveau peut l'interpréter en termes de couleur: comme on le voit sur l'image, c'est le même message qu'il recevrait si on avait éclairé la rétine par la couleur de = 589 !

C'est un hasard, car la combinaison de deux couleurs pures ne conduit pas toujours à une autre couleur pure.

Pour qu'il en soit ainsi, il faut en effet que les lignes horizontales r et v, correspondant aux nivaux d'excitation des cônes "rouge" et "vert", rencontrent les courbes rouges et vertes en deux point R et V verticalement alignés, ce qui ne sera pas le cas le plus fréquent.

Est-ce à dire que, en l'absence de cet alignement vertical, aucune couleur ne sera perçue? Pas du tout. Aucune couleur pure (de l'arc-en-ciel) ne sera perçue, mais le cerveau construira, à partir du signal reçu, une couleur qui nous paraîtra plus ou moins voisine de certaines couleurs pures, car correspondant à un signal plus ou moins proche des leurs.

Voisines, oui. Mais pas toutes!

L'impression de voisinage joue donc un grand rôle dans la manière dont nous concevons le monde des couleurs. Et "voisinage" doit se comprendre au sens physiologique: proximité des niveaux des signaux envoyés au cerveau, respectivement par les cônes "rouge", "vert", et "bleu".

(50 - 35 -10) est proche de (55 - 32 - 12)

Il nous suffit de regarder à nouveau les trois courbes de sensibilité pour deviner que certaines combinaisons de couleurs pures ne sont voisines d'aucune autre couleur pure: c'est surtout le cas des combinaisons (bleu + rouge).

C'est pourquoi nous percevons des couleurs qui sont totalement étrangères au spectre solaire (arc-en-ciel): ce sont les couleurs appartenant au continuum rouge vers bleu. Voici une manière de voir ce continuum.

Dans le voisinage de ce continuum se trouvent trois couleurs très connues:

le magenta: beaucoup de rouge, beaucoup de bleu
le mauve: pas mal de rouge, pas mal de bleu
le pourpre: assez bien de rouge, un peu de bleu

Les combinaisons en pratique

Mélanger des couleurs de manière à ce que les signaux perçus s'additionnent se pratique par exemple
- en combinant les rayons de deux lampes (ou diodes) de ces couleurs;
- en faisant tourner vite un disque sur lequel on a peint des zones de ces couleurs.

Et la palette du peintre? Là, il n'est pas question d'addition. Nous en parlons par ailleurs.