Capitalisme: un mot martyr?

Le fonctionnement de l'économie ne peut être parfait. Il arrive même qu'il souffre de graves problèmes, particulièrement lorsque surviennent des crises, ou lorsque de nouveaux enjeux (tel la protection de la planète terre, par exemple) nécessitent de nouvelles approches. Il arrive aussi que certains problèmes, très graves, très douloureux (comme la faim dans le monde et les excessives inégalités) restent sans solution pendant de trop nombreuses années.

Que faut-il alors incriminer?

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Les comportements individuels et collectifs, particulièrement la promotion exacerbée des intérêts particuliers?
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Certains éléments, plus ou moins importants, du système économique, comme la redistribution des richesses, l'éventail des rémunérations, le contrôle des banques, ...?
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Ou les racines mêmes de ce système économique, et finalement le système tout entier?

Un sens très large

Quoi qu'on réponde à la question ci-dessus - ou sans même qu'on la pose - il est fréquent d'entendre résumer le malaise par une mise en cause du "capitalisme". Il est rare que ce mot soit alors utilisé dans son sens le plus précis (voir ICI). Au contraire, il est alors pris dans un sens très large ("système économique actuel"), si ce n'est très imprécis.

C'est que "capitalisme" peut paraître plus concret, plus direct que "système économique actuel". Et l'on glisse alors aisément vers "capitalistes", ce qui permet de désigner des coupables, ou du moins des responsables, des bénéficiaires, des profiteurs.

Par ailleurs, il ne faut pas nier que la propriété privée du capital est un très important pilier du système actuel, et qu'il en résulte, comme nous l'avons montré, d'importantes conséquences quant aux relations de pouvoir, au profit, à la concurrence, au rôle de l'argent, etc. Or, c'est souvent sur un de ces éléments que l'on bute. Il n'est dès lors pas étonnant que l'on remonte à l'origine, et que l'on incrimine le capitalisme.

Est-ce à dire que l'on demande en conséquence la fin de la propriété privée? Pas forcément. On peut demander:

- soit, de nouvelles attitudes individuelles ou collectives;
- soit, d'importantes mesures de régulation;
- soit, à l'extrême, la remise en cause globale du système.

Un peu de bon sens!

Il ne faudrait pas, cependant, que "capitalisme" devienne une simple invocation sans signification réelle ou, pire, frisant l'absurde. Exemples entendus.

Exemple-1: la pollution des sols industriels est la conséquence de la recherche inconsidérée du profit, typique du capitalisme.

Commentaire: à la fin du XXème siècle, on a pu constater que la pollution industrielle était au moins aussi répandue dans les pays qui avaient vécu sous régime communiste, à l'écart du capitalisme.

Leçon: ne pas imputer au capitalisme des problèmes qui existent aussi sous des régimes non capitalistes.

Exemple-2: le lamentable échec de l'équipe de France au Mondial 2010 de football n'est pas étonnant: le football, dans le système capitaliste, est gangrené par l'argent.

Commentaire: sur les 31 autres nations présentes à ce Mondial, aucune n'a connu ce genre de problème, alors que la plupart vivent elles aussi dans une économie capitaliste.

Leçon: ne pas imputer au capitalisme des maux qui ne se présentent que dans une infime minorité de pays capitalistes.

Simple invocation

Le capitalisme est ainsi réduit à une simple invocation. Il devient une manière simple de se situer quelque part à gauche de l'échiquier politique et économique, sans trop se soucier de définitions ni d'arguments précis.

Incriminer ainsi le système économique à travers un mot bâteau est aussi une manière de se dispenser d'une analyse approfondie, d'une identification précise des causes, de l'élaboration d'alternatives.

Plus grave: conditionner toute amélioration à un changement radical du système économique risque d'être une manière de se dispenser de tout effort d'amélioration progressive de ce système.

Post-capitalisme

Présentez à votre moteur de recherche préféré le mot post-capitalisme. Vous découvrirez un foisonnement d'idées, ayant un point commun: le remplacement du système économique actuel par un autre.

L'éventail des propositions est très large.

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Certains tablent sur un effondrement cataclysmique du sytème actuel, d'autres sur de nécessaires ajustement progressifs.
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Les changements proposés sont plus ou moins globaux, radicaux.
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Pour certains, le rôle de l'Etat doit être considérablement renforcé. Pour d'autres, c'est l'initiative individuelle qu'il faut faciliter.
- Certains mettent en avant la nécessité d'une démarche spirituelle, indispensable à l'évolution des mentalités.
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Certains prônent la voie autoritaire, d'autres la participation, la coopération, le consensus démocratique, que ce soit au niveau politique ou à celui de la gestion des entreprises.
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Et l'on trouve au passage des propositions mettant l'accent sur le pouvoir des travailleurs, l'écologie, le municipalisme, la réforme des banques, la petite entreprise, le partage des ressources, la gratuité, l'évolution des mentalités, le rôle éminent de certains pays, ...

Tant que nous en sommes à cette diversité d'hypothèses, "post-capitalisme" devrait se décliner au pluriel. Ce sont des propositions très construites, mais qui n'en restent pas moins des visions hypothétiques. Si elles sont censées se réaliser spontanément, c'est avec un degré de probabilité non établi. Si elles doivent être imposées, on ne sait pas par qui. Dans les deux cas, leur réussite est loin d'être garantie.

Mais tout ce bouillonnement permet de mieux situer les choix, petits ou grands, qui s'avéreront nécessaires dans le futur.