Une monnaie de plus en plus abstraite

Les fonctions de la monnaie, présentées au chapitre précédent, sont encore aujourd'hui d'actualité. Pourtant, la monnaie a beaucoup évolué dans ses formes. On ne paie plus guère en pièces d'or ou d'argent. La monnaie est devenue moins concrète.

Le rôle du papier: la lettre de change

Depuis très longtemps, on a cherché à remplacer les transports de monnaie, dangereux et coûteux, par un système plus pratique, fondé sur des documents. Au Moyen-âge, par exemple, s'est généralisée la lettre de change. C'est un document par lequel une personne donne l'ordre à son banquier de payer sans condition une certaine somme à un bénéficiaire. Au lieu de voyager avec de la monnaie, le bénéficiaire voyage avec sa lettre de change et peut la présenter à la banque du tireur, en divers lieux qui lui conviennent.

Le chèque est la modalité moderne de la lettre de change.
La lettre de crédit fonctionne de manière similaire, mais elle est liée à une transaction commerciale: le bénéficiaire doit prouver qu'il a bien exécuté la fourniture ou le service convenu.

La lettre de change, comme le chèque, peut être endossée: par une mention au verso, le bénéficiaire transmet à une autre personne - ou même au porteur, non désigné - le bénéfice de la somme convenue. Le document devient ainsi un substitut de la monnaie, utilisable pour tout paiement.

L'utilisation de ces documents est aujourd'hui sécurisée par des règles et procédures internationalement admises, avec cependant des modalités pouvant varier d'un pays à l'autre.

La monnaie fiduciaire

L'émetteur de monnaie, lui aussi, s'est tourné vers le papier pour simplifier la circulation de la monnaie. L'idée est d'établir un document (un billet) par lequel l'émetteur de monnaie (un Etat, une banque centrale) s'engage à fournir, en échange de ce document, une quantité donnée de la monnaie-métal.

On verra ICI plus de détails historiques: apparition en Chine au XIème siècle; en Europe au XVIIème; problème de Law en France au XVIIIème; développement ultérieur.

Le porte-monnaie électronique est une modalité de la monnaie fiduciaire, où le support n'est plus le papier, mais une mémoire électronique à laquelle le commerçant accorde une confiance suffisante.

Importance de la confiance

Comme le mot le dit (en latin, fides = confiance), la monnaie fiduciaire postule la confiance des utilisateurs. Historiquement, cette confiance a pris sucessivement deux formes:

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une forme maximale: la garantie de recevoir, sur demande, la contre-valeur de monnaie-métal spécifiée sur le billet;
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une forme minimale: la garantie de pouvoir acquérir, au moyen de ce billet, des biens dont la valeur est celle spécifiée sur le billet. Autrement dit: pouvoir utiliser le billet comme moyen de paiement.

Ici se place tout le problème de la convertibilité: pour être efficace, le billet d'une monnaie doit être convertible:

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en métal (l'or): l'émetteur doit alors, en principe, disposer de la quantité de métal correspondant aux billets qu'il a mis en circulation;
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en biens matériels: l'émetteur doit alors bénéficier d'une confiance suffisante pour garantir que le billet pourra servir à l'achat de biens pour la valeur spécifiée. Comme pour la monnaie métallique, cette confiance peut être ébranlée par l'inflation.

La monnaie scripturale: un jeu d'écritures

C'est en remplissant une de leurs principales fonctions économiques que les banques privées deviennent à leur tour créatrices de monnaie.

En effet, l'argent déposé en banque par les clients est prêté à des entreprises, qui s'en serviront pour investir dans le développement de leur production. Ces prêts sont très différents de ceux opérés de particulier à particulier, en ceci que l'argent prêté à une entreprise ne prive aucun déposant des sommes qu'il a confiées à la banque.

L'argent prêté à l'entreprise devient immédiatement disponible pour celle-ci. Mais l'argent déposé en banque reste lui aussi disponible pour les déposants. Il y a donc ici création de monnaie. Comme le prêt en question se matérialise par une écriture (la banque inscrit la somme au compte du bénéficiaire), on parle de monnaie scripturale.

Il va sans dire que, ce faisant, la banque prend sur elle un risque à deux facettes: soit, il se pourrait que le bénéficiaire du prêt ne la rembourse pas; soit, il se pourrait que des déposants demandent à retirer leur argent de la banque, en nombre tel que la banque n'ait plus les moyens de les satisfaire.

De tels risques peuvent se concrétiser, et même conduire certaines banques à la faillite. Pour protéger les déposants et assurer la continuité de l'économie, les pouvoirs publics sont alors quasi contraints de leur venir en aide, ce qui est très coûteux. Aussi ont-ils mis en place divers moyens (critères, contrôles, ...) de prévenir de telles déconfitures.

Première conclusion

A ce point d'un exposé pourtant très simplifié, la question de la monnaie apparaît déjà singulièrement compliquée. Or, la santé de la monnaie est indispensable pour la santé de l'économie.

On verra comment la politique monétaire s'efforce de réguler la monnaie à travers la maîtrise des masses monétaires.