La monnaie
Au départ, dans son principe, la monnaie est quelque chose
de très simple. A l'arrivée - c'est-à-dire
dans notre économie complexe et mondialisée - il devient
très difficile de la comprendre, dans la multiplicité
de ses rôles et de leurs interactions.
L'échange, le troc
A l'origine est l'échange de biens, activité propre
à l'espèce humaine, du moins dans son aspect volontaire
et réfléchi.
Atik habite au bord de la rivière. Il y pêche et en
rapporte moult poissons, plus que n'en peut consommer sa famille.
Togor, lui, a tué du gros gibier et confectionné plus
de vêtements, faits de peaux traitées et assemblées,
qu'il n'en faut pour vêtir femme et enfants. Il leur paraît
naturel, à tous deux, d'échanger une partie de leurs
productions respectives pour pouvoir à la fois se nourrir
et se vêtir. Cette amorce de spécialisation
est d'ailleurs la source du commerce.
Echanger, oui. Mais dans quelle proportion? Ils doivent en discuter.
Cela dépendra de l'abondance des poissons et du gibier, de
la faim et du froid, de la qualité des habits, du goût
des poissons, du temps que demandent respectivement la pêche,
la chasse et la confection, ...
Les monnaies-matières, des biens-étalons
Mais Atik et Togor ne sont pas seuls. Abilar cultive le froment,
Eurimec élève des brebis, Privas confectionne des
sandales. Il n'est plus possible de discuter en permanence des proportions
d'échange pour toute paire de biens à échanger:
pour douze biens, 66 proportions d'échange devraient être
établies!
Il est plus commode de choisir un bien - ou peut-être deux
ou trois - dont tout le monde a besoin, qui est produit en abondance,
pas trop difficile à conserver, ... et de s'en servir comme
étalon, que l'on céderait en échange de tout
autre bien que l'on veut acquérir. Il suffirait alors de
discuter la proportion d'échange de chaque bien avec une
quantité donnée de cet étalon. Des céréales,
par exemple, si l'on peut les conserver bien au sec.
Les métaux
Ces matières-étalons, cependant, souvent volumineuses,
ne conviennent pas pour les échanges sur longues distances.
Il est alors préférable d'utiliser des matières
plus lourdes, plus solides, plus difficiles à produire aussi
(afin que leurs producteurs ne soient pas trop favorisés).
Et, tout compte fait, ceci conviendrait mieux aussi à courte
distance. Peu à peu, les métaux s'imposent ainsi comme
intermédiaires idéaux dans les échanges. Surtout
l'or et l'argent, les plus précieux. Mais aussi le cuivre,
le laiton, ...
C'est le marchand Petrouchka qui revient
D'or est chargé son sac et il est content
Le technique conduit au politique
On peut alors parler de paiement des marchandises. Trois
principaux problèmes techniques se présentent cependant,
et leur solution passera par la politique.
La mesure. La monnaie
Comment mesurer la quantité de métal présentée
en paiement?
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On peut évidemment songer
à la pesée, et cela se fit effectivement, notamment
au moyen du trébuchet, une fine balance destinée
à peser avec précision de faibles quantités
de matière.
Mais de tels instruments ne pouvaient être utilisés
en toute occasion. Il était plus pratique de mettre
en circulation de petites pièces de différentes
tailles, dont les valeurs étaient connues de tous:
les pièces de monnaie.
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Comment alors garantir que chaque pièce comporte effectivement
la quantité de métal convenue? Ici intervient le pouvoir
politique: le roi, le prince, qui garantit, en imprimant son effigie
sur la pièce, la valeur de celle-ci.
La qualité
Mais comment s'assurer de la pureté du métal (or,
argent, ...) constituant chaque pièce? Ici aussi, ce sera
l'affaire du prince: son effigie garantit aussi la teneur de chaque
pièce en métal précieux.
La quantité de pièces
L'empereur, le roi, le prince feront donc "frapper"
les pièces de monnaie à leur effigie et les mettront
en circulation. Ici surgit un problème fondamental, encore
présent dans nos économies modernes: quelle quantité
de pièces faut-il mettre en circulation? Leur multiplication,
certes, stimule les achats et les ventes, donc l'activité
économique. Mais la quantité de biens disponibles
est limitée, il n'est pas possible de les multiplier car
la main-d'oeuvre n'est pas extensible, de même que les matières
premières et les techniques de fabrication.
Si le volume de la monnaie est trop grand, les
acheteurs seront trop nombreux et les prix vont augmenter en vertu
de la loi de l'offre et de la
demande. Si les prix augmentent,
cela veut dire que la valeur de la monnaie diminue. C'est ce que
l'on appelle l'inflation.
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Lorsque les galions espagnols ramenèrent
du "Nouveau Monde" l'or à profusion, il semble
que les prix des biens aient été progressivement
multipliés par quatre. |
Inversement, un manque de monnaie provoquera une baisse des prix
et de l'activité économique: la déflation.
Aujourd'hui encore, la régulation du volume
de la monnaie est une préoccupation constante de la politique
monétaire, d'autant plus que, comme on le verra plus loin,
sont apparues de nouvelles formes de monnaie.
Politique et pouvoir
Ce qui précède explique pourquoi
la monnaie est devenue très tôt un enjeu politique
important.
D'une part, les utilisateurs de la monnaie (c'est-à-dire
tout un chacun, en fait) ont besoin que celle-ci leur soit garantie,
en qualité et en quantité. Quelle meilleure garantie
espérer que celle des pouvoirs en place?
D'autre part, la monnaie devient très vite,
pour les dirigeants (même de petits territoires), un puissant
auxiliaire de leur pouvoir. Il leur est souvent arrivé d'en
abuser, d'ailleurs, notamment en mettant en circulation une trop
grande quantité de monnaie (par exemple pour financer des
guerres), provoquant ainsi de dangereux déséquilibres.
Comme on le verra, on en est venu, dans nos états
modernes, à confier la régulation de la monnaie à
des organismes indépendants des gouvernements: les banques
centrales.
Evolution
Dans les premiers temps, la monnaie a pris des
formes différentes selon les pays et les régions.
On en trouvera ICI
un aperçu historique très concret, consacré
au franc français et à son évolution vers l'euro.
Aujourd'hui, ses formes se sont encore davantage
diversifiées, comme on le vera dans les chapitres suivants.
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